Ah le sommeil… vaste sujet qui est bien difficile à appréhender tant nous sommes tous différents pour le gérer (ou penser le gérer !). Certains organisateurs commencent à se pencher sur cette problématique du fait d’un nombre croissant d’adeptes, souvent néophytes, participants à des épreuves « ultra » ou plus simplement longues distances.
Personnellement, j’ai aussi un avis sur cette question et ma chute de cette été m’a conforté dans mes positions. Ne perdons jamais de vue que ce qui compte avant tout c’est de boucler un parcours dans les délais impartis et de savourer les milles et uns petits plaisirs que nous procurent ces longues chevauchées. La notion de « course » doit rester secondaire et qu’on finisse, 1er, 2e ou 45e n’a aucune différence en termes d’engagement personnel et de volonté à atteindre l’objectif que l’on se fixe.
Rouler de nuit est ce que l’on retient souvent quand on parle de longues distances sans forcément évoquer l’impact sur la santé. Or, accumuler de la fatigue peut nous mettre en danger et nuit (sans jeu de mot !) à la « performance ». Je suis de plus en plus convaincu que j’aurai pu éviter ma chute si j’avais été davantage vigilant et sans doute plus lucide. Je roulais depuis 24h sur un rythme relativement soutenu qui m’a fait piocher dans mes ressources, je ne m’étais arrêté à peine plus de 2h en cumulé et n’avait fermé les yeux (mais pas dormi) pendant tout juste 10 minutes (1h avant de chuter). Je me revois encore regarder mon GPS, cette flèche qui m’indique de tourner à gauche et cette réaction immédiate de tourner à gauche sans réfléchir comme si mon cerveau était passé en mode pilotage automatique.
J’ai rapidement compris que je venais de manquer de lucidité mais il était trop tard. Cette erreur peut arriver à beaucoup d’entre nous. J’avais d’ailleurs déjà connu par le passé des petits « décrochages » pendant lesquels, le temps d’une fraction de seconde (parfois plus…), on est quasiment endormi sur le vélo.
Aussi, je pense qu’il est nécessaire dans un premier temps de ne pas valoriser une « performance » sur une épreuve ultra en mettant en avant la « victoire » sur le sommeil car cela laisser à penser qu’il ne faut pas beaucoup dormir pour être performant. Les propos de Christoph Strasser après avoir remporté la Transcontinental Race en août 2022 sont plus qu’éloquents à ce sujet :
Au cours de sa TCR victorieuse, Christoph Strasser a dormi 3 heures par jour les 6 premiers jours et c’est contenté de 1 heure pour les 3 derniers car il se sentent suffisamment en forme et performant.
Certes, tout le monde n’est pas Christoph Strasser mais son retour d’expérience est extrêmement intéressant même si chacun à un comportement différent vis à vis du sommeil ce qui rend les stratégies différentes d’une personne à une autre. Néanmoins, on se doit d’être vigilant et veiller à ce la lutte contre le sommeil ne soit omniprésente au risque d’ouvrir la porte à de nombreuses dérives et de mettre en danger les pratiquants de l’ultra-cyclisme.
Faut-il pour cela mettre en place des dispositifs particuliers de contrôle des temps de repos en imposant des arrêts comme certains organisateurs y réfléchissent ? Je n’y suis pas forcément favorable, car la pratique ultra est difficile à cadrer dans des règles strictes tant elle fait appel à des aptitudes qui sont toutes différentes d’un pratiquant à un autre. Je crois davantage dans une forme de pédagogie, de témoignages et surtout, en la capacité de chacun à apprendre à se connaître, à être à l’écoute de son corps, de ses sensations et à rester soi-même sans se comparer ou se mesurer aux autres. L’ultra est une discipline… ultra personnelle !
Pour ma part, mon expérience m’amène à considérer qu’il est nécessaire, pour ne pas dire indispensable pour moi de dormir au moins 15 à 20 minutes continues par tranches de 24h et d’observer un repos complet de 2h par tranches de 48h. Le temps ne se gagne pas sur le sommeil mais sur les périodes éveillées où l’on minimise les arrêts. Et à ce propos, le gain est énorme et beaucoup plus avantageux en termes de performance et de distance parcourue que le temps prétendument gagné sur le sommeil.
Je précise que les temps de pause que j’indique sont à mettre en perspective avec le fait que je privilégie les distances « moyennes » allant de 600 à 1200 kms qui m’amènent rarement au delà de 60 heures. Je n’ai pas suffisamment d’expérience sur des distances plus longues ayant seulement bouclé les 2600 kms de la RAF en 2021 en connaissant justement quelques déboires au niveau de la gestion du sommeil que j’ai décrit dans mon compte rendu.
très bon article