On m’interroge souvent sur la manière dont on en vient à passer des heures voire des jours sur un vélo, à enchaîner les kilomètres, les cols, les descentes, à lutter contre le vent, la pluie et le froid, à ne dormir que très peu. Je dis régulièrement que tout cela n’est que le fruit d’un long cheminement, d’une découverte de soi, d’une quête d’évasion et de liberté. Au-delà de l’épanouissement personnel que je trouve dans ces longs raids que j’entreprends, il y a une sournoise fureur de dépasser des traumatismes cachés au plus profond de moi que la pudeur m’amène à ne pas évoquer ou que très partiellement. Ces traumatismes sont à la fois une force et une faiblesse, des blessures qui ne sont pas totalement cicatrisées mais avec lesquelles j’ai appris à me construire.
Le long cheminement que j’évoque régulièrement est celui que je suis pour apprivoiser des souffrances qui remontent à mon enfance. Des souffrances que je fuis mais qui restent en moi, faute sans doute de n’avoir jamais su les extérioriser. Mon seul exutoire réside dans l’accomplissement de challenges et de défis personnels. Ils me donnent le sentiment d’exister, d’apprendre à être moi-même, à sortir d’une enfance qui m’emprisonne. J’ai beau approcher la cinquantaine, je me sens toujours être ce petit garçon discret en quête d’un autre et qui regarde le monde avec envie. Un petit garçon qui rêve de grandir et de se libérer des chaînes invisibles qu’il ne parvient pas à rompre et le gémeau que je suis cache parfaitement son jeu en ne renvoyant que l’image de quelqu’un de volontaire, d’entreprenant et ouvert aux autres. Mais derrière cette partie visible se cachent tant de faiblesses.
Alors là où certains consultent un thérapeute, j’enfourche mon vélo pour cicatriser mes blessures intérieures et grandir. Je peux donner l’impression de fuir mais je ne cherche pas tant à échapper au présent qu’au passé. Au fil du temps je me suis construit une carapace qui fait ma force face à l’adversité mais qui est aussi parfois difficile à porter. Savoir mettre des mots sur les maux contre lesquels on lutte ou que l’on refoule est un exercice difficile, un long cheminement…
Témoignage émouvant qui laisse entrevoir l’homme derrière le cycliste. Respect aussi pour cette ode à la vélothérapie et les valeurs que vous partagez.
Bravo pour avoir réussi à mettre des mots sur un vécu et sur des sentiments si personnels. Une clairvoyance et une lucidité qui ne vont sans doute pas de soi, tant il est difficile de s’auto-diagnostiquer. Elles nous invitent à nous questionner nous aussi sur notre propre pratique, sur notre moteur, sur nos motivations.
En pleine convalescence, je pense que cette période difficile d’après chute doit revenir.
alors, qu’on se rassure tous, nous cyclistes ultra dingo, on pédale comme des fous (disent ils) pour se soigner, comprendre, raccorder des bouts de vie, des bouts de rien, des chutes et des échappées d’enfance. On poursuit son enfance toute sa Vie. Longue route à toi, bon rétablissement,et une pensée pour « le cyclonaute » à la réunion sur le parcours des « 4 majeurs » bouclé en 24 h (473 kms, 10000 d+)