On m’interroge souvent pour savoir s’il y a un sens plus favorable, à défaut d’être le plus facile, pour défier les 7 Majeurs en moins de 24 heures. Il est difficile de répondre compte tenu du nombre de paramètres à prendre en considération, à commencer par la météo sur laquelle le sens dans lequel on effectue le parcours n’a aucune réelle incidence, ça mouille dans les 2 sens en cas de pluie !
Je me hasarde toutefois à donner mon avis sur la base de mon expérience sur ce parcours que j’ai tracé au cours de l’hiver 2015 sans imaginer qu’en 5 ans il susciterait aujourd’hui autant de convoitises.
7 monstres à dompter dans un sens comme dans l’autre
J’ai voulu faire de cet itinéraire une ode à la montagne, à la fois exigeant et captivant et offrir à ceux qui le réalisent des émotions comme rarement on en éprouve sur le vélo. Il ne pardonne aucune faiblesse, dans un sens ou dans l’autre, et pousse chacun dans ses derniers retranchements. Il invite à l’humilité et à la modestie. Les 7 Majeurs sont une véritable expédition qu’il convient de préparer avec minutie.
Les conquérir seul et en autonomie vous font entrer dans une autre dimension émotionnelle. Une émotion sur laquelle il est bien difficile de mettre des mots tant il faut l’avoir vécue pour la sentir vous envahir progressivement dans les derniers kilomètres de l’ultime sommet à atteindre.
Que l’on tourne dans un sens ou dans l’autre, on est face à 7 monstres qu’il faudra dompter en prenant soin d’en garder toujours sous la pédale tout en veillant à ne pas laisser filer le temps dès lors que l’on veut tenter de boucler le parcours en moins de 24 heures pour entrer dans le cercle fermé des « Grands Maîtres ».
Un tracé « originel » depuis Jausiers et un final par la Bonette
Si j’ai tracé le parcours au départ de Jausiers en enchaînant les difficultés dans le sens des aiguilles d’une montre, c’était avant tout pour terminer ce périple sur un site hautement remarquable et qui me tient à coeur, la cime de la Bonette, qui du haut de ces 2802 m d’altitude symbolise à mes yeux la conquête du graal que l’on poursuit dès que l’on s’engage sur cette aventure.
Le sens des aiguilles d’un montre a aussi l’avantage d’éviter de descendre le col de Sampeyre par son versant nord dont la route est longtemps restée en très mauvais état. C’est désormais mieux après que des travaux aient été réalisés, justifiant un peu moins la recommandation de privilégier le sens horaire. Un départ de Jausiers dans le sens horaire permet par ailleurs de passer en début de parcours la partie la moins agréable de l’itinéraire entre Mont Dauphin et Briançon. Cette trentaine de kilomètres de nationale, très fréquentée, tranche avec tout le reste du parcours mais elle est difficile à éviter, sauf à envisager un passage par la rive gauche de la Durance mais au prix d’une rallonge en termes de kilomètres et de dénivelé.
Mieux vaut par conséquent se « débarrasser » rapidement de cette portion pour mieux savourer tout le reste. En outre, en optant pour un départ en fin de journée, voire en début de soirée de Jausiers, ce passage se fera de nuit avec l’avantage d’avoir moins de circulation.
Retour d’expérience
Des quatre 7 Majeurs que j’ai bouclés en moins de 24 heures, 3 ont été réalisés avec un départ depuis Jausiers dans le sens horaire (2 fois en 2016 et 2018) et 1 depuis Briançon dans le sens anti-horaire (2020).
Si l’on ne retient que le temps de pédalage, les chiffres sont les suivants :
- départ Briançon (18h) sens anti-horaire : 19h39 (18/07/2020 – sans assistance)
- départ Jausiers (19h) sens horaire : 20h23 (06/07/2018 – sans assistance)
- départ jausiers (22h) sens horaire : 20h26 (24/06/2016 – sans assistance)
- départ Jausiers (22h) sens horaire : 18h27 (08/07/2016 – avec assistance)
Sans assistance, je réalise donc mon meilleur temps avec un départ de Briançon dans le sens anti-horaire en bénéficiant, pour chacune de mes tentatives de conditions météorologiques sensiblement équivalentes (pas de pluie, vent faible, nuit fraîche, journée chaude et ensoleillée).

En partant de Briançon, la première difficulté est donc le col de Vars. Plus long que par son versant nord je n’ai toutefois ni plus ni moins « souffert » que par le versant sud. Quant à La Bonette, par laquelle j’ai l’habitude de finir, elle est arrivée cette fois en seconde ascension, avec un état de fraîcheur qui fait qu’elle est passée presque comme une simple formalité !

La grosse surprise a été le col de la Lombarde que je n’avais jamais grimpé depuis Isola. Si les premiers kilomètres sont assez pentus, les 3 quarts de l’ascension m’ont semblé « faciles » comparés aux autres cols et surtout par rapport au versant italien sur lequel j’ai à chaque fois le sentiment de buter, notamment entre le pied du col et le croisement de la route du sanctuaire de Vinadio.

La Fauniera, fidèle à sa réputation, a été un gros morceau et qu’il s’agisse du versant sud comme du versant nord, la difficulté est sensiblement la même bien que le versant sud ne présente pas de rupture de pente aussi marquée que sur le versant nord avec ces 2 fameux « coups de cul » à 18 puis 22%. Ce versant sud semble globalement plus long mais en terme de paysage, il est somptueux. C’est assurément mon coup de coeur, sans doute sublimé par le fait d’avoir franchi le col au levé du soleil, bénéficiant ainsi d’un spectacle grandiose.
La descente sur Marmora est en revanche très délicate. Beaucoup plus que je ne l’imaginais et il faut faire preuve d’une vigilance de tous les instants. La route est très étroite et les pièges sont nombreux : trous, sable, pierres, branches… C’est presque limite et je n’ose imaginer comment ça peut être en cas de mauvais. Là pour le coup, mieux vaut monter par le versant nord car on évitera plus facilement les pièges et même si la descente sur Demonte n’est pas parfaite, elle est quand même moins dangereuse. Quoiqu’il en soit, il est très fortement déconseillé de se lancer dans cette descente de nuit.

Vient ensuite Sampeyre, autre col redouté dont la réputation n’est pas usurpée. Depuis Stroppo, l’ascension est plus longue que depuis Sampeyre, mais elle offre une portion de relative transition après les premiers kilomètres avant de voir la route se redresser et les pourcentages ne plus tomber en dessous 8% jusqu’au sommet. C’est sans doute dans ce col où j’ai eu l’impression de piocher un peu plus. La fin paraît interminable car on aperçoit le sommet qui semble tout proche alors qu’il reste encore 4 rudes kilomètres à escalader.
Longtemps en mauvais état, la descente sur Sampeyre est désormais beaucoup moins délicate à aborder et bien moins piégeuse que celle de la Fauniera. Elle ne justifie plus de privilégier le sens horaire mais en revanche, étant en meilleur état, les voitures y sont beaucoup plus nombreuses. J’ai été d’ailleurs très surpris d’en voir autant car j’avais le souvenir d’un col sauvage mais il est vrai que l’heure à laquelle je suis passé n’était pas la même que lors de mes autres ascensions où j’avais atteint le sommet à l’aube alors que cette fois, c’était en milieu de matinée et un dimanche de surcroit.

Bien qu’en moins mauvais état qu’auparavant, la descente de Sampeyre nécessite une grande vigilance et ne permet pas vraiment de récupérer avant d’affronter la longue approche du col Agnel. 30 kilomètres séparent Sampeyre du sommet du col. C’est long, très long… Et particulièrement usant. C’est sans doute là le passage le plus difficile à gérer lorsque l’on tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et qui plus est, en ayant déjà 5 ascensions dans les jambes.
Pour autant, j’ai le sentiment d’avoir plutôt bien géré cette portion pour aborder les 10 derniers du versant italien de l’Agnel avec suffisamment de réserves pour faire face aux forts pourcentages que l’on y rencontre. On est dans le dur, c’est une évidence et ces 10 derniers kilomètres font finalement office de juge de paix. Si on bascule sans y avoir laissé trop de force, on peut commencer à entrevoir la délivrance même s’il reste encore l’Izoard à franchir.

L’Izoard est donc le dernier col. Celui sur lequel on butte ou sur lequel, l’euphorie vous donne des ailes car chaque kilomètre vous rapproche de votre objectif. J’ai trouvé le versant sud plus facile que les souvenirs que j’avais du versant nord. Mais une fois encore, le sentiment d’être si près du but me l’a fait aborder dans un état d’esprit différent. Certes, la longue ligne droite entre Arvieux et Brunissard ne fait pas de cadeau mais ensuite, jusqu’à la Casse Déserte de nombreux lacets rythment l’ascension.

Verdict ?
D’une manière générale, j’ai le sentiment d’avoir moins subit le parcours en partant de Briançon et en enchaînant les cols dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Les portions de vallée me semblent plus favorables avec des profils descendant de Saint Etienne de Tinée à Isola puis de Vinadio à Demonte et dans une moindre mesure entre le pied de la Fauniera et de Sampeyre. C’est en revanche le contraire pour la longue approche du col Agnel, mais malgré tout, j’ai préféré ce versant et son final sans répit où l’on a davantage le sentiment de prendre de la hauteur !
Il convient également d’ajouter qu’en tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, on évite la côte de Largentière La Bessée qui n’est pas anodine et explique sans doute en partie l’écart d’environ 600 m de dénivelé positif en moins qu’affiche mon Garmin en partant de Briançon.
Tout ceci reste bien entendu très subjectif alors n’hésitez pas à me faire part de votre propre expérience.






