Une gare trop loin

Sortie à vélo matinale en enfer Sortie à vélo StravaCertaines expériences sont plus marquantes que d’autres de part leur dimension émotionnelle ou à cause des conditions dans lesquelles elles se déroulent. Je pensais avoir vécu l’enfer sur un vélo lors du Tour du Mont Blanc 2014 lorsqu’un orage d’une violence extrême s’abattit sur moi dans la descente du Cormet de Roseland. Plus de 5 ans après j’ai encore le souvenir de cette véritable nuée blanche que j’ai vu littéralement remonter depuis le lac de Roseland au moment où j’atteignais le sommet du col depuis Bourg Saint Maurice. La grêle s’abattit avec une violence inouïe et je m’interroge encore aujourd’hui sur les raisons qui m’ont fait poursuivre ma progression dans cette apocalypse. Le terme n’est pas de trop et je vous invite à relire mon récit pour vous faire une idée.

Les aléas climatiques font bien évidement partie de la pratique cycliste et il n’y a que ceux qui restent bien sagement au fond de leur canapé qui en sont épargnés ! Néanmoins, autant que faire se peut, le cycliste prend toujours soin de bien étudier les prévisions météorologiques avant de se lancer dans de plus ou moins folles aventures.

Ce lundi 25 mars un fort épisode de mistral en vallée du Rhône était annoncé. Des rafales à 90 km/h pouvant atteindre voire dépasser les 100 km/h. Au tant dire que pour sortir à vélo, mieux valait bien choisir son parcours ! Sauf qu’en ce qui me concerne, le choix était vite fait avec un point de départ à Sainte Maxime et une arrivée à la gare de Miramas. Autant dire que j’allais sentir passer un certain courant d’air !

J’ai bien essayé de gruger un peu les éléments en début de parcours en privilégiant les secteurs les plus abrités mais au prix de nombreuses ascensions qui ne m’ont pas épargné la tâche. Il est vrai que les jambes commençaient à accuser un peu le coup après les 330 km du samedi pour descendre rejoindre les collègues du club de Coux en stage à Sainte Maxime suivis d’une pseudo sortie de récupération de 120 km le dimanche ! Ajouter à cela, un petit attirail de baroudeur en mode bikepacking, la chasse aux KOM n’était bien évidemment pas à l’ordre du jour. Non, le seul objectif se résumait à atteindre la gare de Miramas pour prendre le train de 15h44. Simple formalité sur le papier.

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Je savais que ce foutu vent me jouerait des tours mais j’avoue être parti avec une certaine confiance, renforcé en cela par le fait qu’au moment de m’élancer de Sainte Maxime, c’est tout juste si les feuilles des arbres bougeaient. Je vais finalement parvenir à jouer à cache cache avec Éole pendant près de 150 km sans pour autant pouvoir progresser aussi rapidement que je ne l’avais envisager afin de pouvoir maintenir mon objectif.

C’est pendant l’ascension du Sambuc que j’ai commencé à douter de ma capacité à tenir le timing prévu. Certes, cette ascension va m’épargner encore un peu des déchaînements du mistral mais elle va aussi me faire perdre un temps précieux compte tenu de l’allure à laquelle je vais m’en affranchir. Rien d’insurmontable pourtant que cette bosse de 10 km à 3,6% de pente moyenne, mais suffisamment pentue pour mettre à mal un organisme passablement fatigué.

Le Sambuc passé, je fais rapidement le point sur le situation à hauteur de Vauvenargues. 65 km sont encore à parcourir et je dispose de 2 heures. En temps normal, ça pouvait passer… Inutile donc de gamberger et autant se rendre immédiatement à l’évidence : le seul et unique objectif sera désormais d’atteindre la gare de Miramas. Pour les horaires de train, on verra sur place !

Je repars de Vauvenargues en ayant à l’esprit une phrase Kristof Allegaert, triple vainqueur de la TCR « tant que tu pédales tu avances ». Rien de plus simple ni de plus évident !

Alors qu’importe ce qui m’attendait dans les prochains kilomètres, rien ne m’empêcherait d’arriver sur le parvis de cette fichus gare de Miramas.

Les premières offensives d’un mistral en furie vont réellement se faire sentir en quittant Aix en Provence en direction de Eguille. Mais le pire était à venir à la sortir de Eguille au moment d’emprunter la route de Pélissane. Une ligne droite interminable de près de 17 km où je fut passablement chahuté par de puissantes rafales arrivant par la droite.

Littéralement planté et roulant parfois moins de 15 km/h, je me cramponnais au guidon avec rage pour ne pas me laisser emporter. Plusieurs fois je fus littéralement envoyé de l’autre côté de la route qui, fort heureusement était très peu fréquentée. A la faveur de quelques haies d’arbres je profitais de moments de répit avant d’être encore mieux secoué par un vent féroce et sans pitié à mon égard. Je vais mettre une éternité à effectuer ces 17 km mais je ne lâcherai pas. A aucun moment l’idée de m’arrêter ne m’est venu à l’esprit. A quoi bon de toute façon ? J’ai pioché aussi profondément que je le pouvais au fond de moi pour trouver les ultimes sources d’énergie qui me restaient en stock. Paradoxalement, je n’avais pas le sentiment d’être au bord de l’épuisement. Mais je commençais quand même à être sérieusement entamé !

Fort heureusement, après Salon de Provence, les choses vont progressivement s’arranger à la faveur d’un changement de direction sans que je ne puisse réellement savourer tant j’avais hâte d’en finir. C’est finalement à 17h que je poserais définitivement le pied à terre, avec 1h30 de retard sur mon plus mauvais horaire prévisionnel et près de 10 heures après mon départ de Sainte Maxime.

Profil de cycliste Strava Patrick GILLES