Après une saison bien remplie au cours de laquelle j’ai compris que le cadre trop étriqué de la grande majorité des cyclosportives ne me suffisait plus pour assouvir mon besoin de liberté et de quête de nouveaux horizons, je me suis pris au jeu de concocter un nouveau challenge original après l’expérience enrichissante de mon raid de l’été au profit de l’association Himalayayatra qui vient en aide aux victimes du tremblement de terre au Népal.
La « commande » à laquelle je n’ai pas hésité à répondre est venue de la fédération de l’Ardèche du Secours Populaire qui souhaitait s’appuyer sur un évènement sportif hors du commun pour mobiliser un large public à l’occasion du 70e anniversaire du Secours Populaire.
Un casting de choix !
Sollicité début août, il a été convenu de programmer cet « évènement » le week end des 12 et 13 septembre pour l’intégrer à une manifestation organisée par la section locale de Annonay. S’agissant du 70e anniversaire du Secours Populaire et du département de l’Ardèche, l’idée de réaliser un raid de 707 kilomètres à travers tout le département a rapidement pris forme. C’est ainsi qu’est né le Raid – 707 alias le raid solidaire. Un petit teasing sur Facebook et 3 solides gaillards me faisaient part de leur envie d’y prendre part : Jacques Barge, Roland Chavent et Julien Lodolo. 3 cyclistes habitués à aligner des heures de selle et affichant un état d’esprit en accord total avec le mien.

Pour l’organisation pratique de ce Raid707, on retiendra le petit côté familial de celle-ci puisque sous la houlette de mon oncle Roland Malleval à l’initiative du projet en tant que membre actif du Secours Populaire, ont également été impliqués mes cousins André pour la confection des supports de communication via son entreprise « Seri7 » et Jean-Marc pour l’assistance nocture. Il convient de souligner par ailleurs la mobilisation du secrétaire départemental du Secours Populaire, Claude Esclaine et de sa compagne Edwige ainsi que celle de Michel Méjan et son épouse qui ont été à nos côtés tout au long de la seconde journée. Enfin, mention spéciale à Mickaël Gagne, qui après avoir œuvré pendant 3 semaines au sein de l’équipe d’organisation de la Haute Route s’est joint à nous pour faire office de chauffeur, photographe et ravitailleur. Voilà donc un casting de choix réuni pour nous permettre de réaliser ce raid dans les meilleures conditions.
Un menu copieusement arrosé
Si tout au long de la saison écoulée la météo s’était montrée globalement favorable, ce week end des 12 et 13 septembre restera dans les annales de météo France compte tenu des quantités de pluie qui se sont déversées sur l’Ardèche. Le département ayant été placé en vigilance orange, nous nous étions préparés à affronter des conditions pour le moins délicates comme ce fut le cas…
La nuit précédent notre départ, un vent du sud particulièrement sensible n’annonçait rien de bon pour la suite. Pour autant, les prévisions nous laissaient à penser que la pluie pourrait nous épargner au moins jusqu’à la nuit. Il n’en fut rien…
Les premières goûtes firent en effet leur apparition dès le départ du musée du car à Vanosc où le maire avait organisé une petite réception en notre honneur. Rien de bien méchant mais néanmoins suffisant pour remettre en cause notre optimisme. Finalement, c’est sur une route sèche mais dans une ambiance très moite que s’effectua l’ascension du col des Baraques. Un long col au profil très régulier et aux pourcentages n’excédant pas 5 à 6 %. Parfait pour une mise en route tout en douceur qui plus est à l’abri du vent.

En atteignant le sommet de cette première difficulté, nous comprenons rapidement que la suite ne va pas être simple à gérer. Nous nous retrouverons en effet face à un vent de sud particulièrement vigoureux. Passé le col du Rouvey, les rafales latérales deviennent même assez dangereuses alors que le pluie fait son apparition à l’approche de Lalouvesc nous obligeant à un arrêt non prévu pour changer de tenue (déjà !). Le changement effectué, Jacques préfère descendre directement sur Saint Félicien en compagnie de Jean-Luc Lacoste qui est venu faire un bout de chemin avec nous. Quant à Julien, Roland et moi-même, nous poursuivons sur l’itinéraire initialement prévu qui nous conduit à Satillieu.
La descente est moins exposée au vent que nous le craignons et la pluie s’attenue au fur et à mesure que nous descendons. Nous effectuons sans problème particulier la boucle par le col du Juvenet pour rejoindre Saint Félicien et entamons l’ascension du col du Buisson que nous grimpons tranquillement à l’abri du vent, sans une goute d’eau mais sur une route mouillée.
Jusqu’à mi-pente de la montée vers Saint Agrève, nous allons pédaler au sec. Cependant, à 5 kilomètres du sommet, la pluie s’installe et redouble d’intensité au fur et à mesure que nous approchons de l’entrée de Saint Agrève. Jacques, que nous n’avons pas encore rattrapé nous dira plus tard qu’il est passé sans se mouiller.

Il est temps de nous équiper en tenue de pluie avant de descendre dans les Boutières. Compte tenu des conditions qui se sont passablement dégradées, la décision est rapidement prise de ne pas faire le petit détour par Mars pour rejoindre directement Saint Martin de Valamas. Tout au long de cette descente que l’on emprunte en sens inverse lors de l’Ardèchoise, la pluie redouble de violence. La luminosité a très nettement diminué alors que les grondements du tonnerre se propagent en échos dans cette vallée encaissée. Faisant preuve d’une prudence extrême sur une route détremprée, nous finissons par arriver à Saint Martin de Valamas toujours sous le déluge. Néanmoins, il semble que le ciel se fasse moins menaçant lorsque l’on regarde en direction de Saint Martial où nous devons nous rendre. Aussi, alors que l’itinéraire prévu nous faisait passer par Le Cheylard pour ensuite effectuer un crochet par Saint Andéol de Fourchades puis le col de Joux, nous décidons d’adapter une nouvelle fois le parcours en prenant la route directe pour Saint Martial. Bien nous en a pris car progressivement, l’intensité de la pluie diminue. Jacques, que nous n’avons toujours pas revu depuis qu’il nous a laissé à Saint Félicien est prévenu par téléphone de nous attendre à Saint Martial s’il y parvient avant nous. Comme dans un scénario parfaitement maîtrisé nous allons finalement le retrouver au carrefour de la route venant du col de Joux. Nous voici donc à nouveau réunis tous les 4 pour engager la montée vers le Gerbier de Jonc. L’ascension s’effectue sans que la pluie ne s’en mêle et nous atteignons le point culminant de notre périple aux environs de 19h30. L’obscurité est déjà bien établie et il est temps de nous équiper pour une nuit qui s’annonce épique…

Un bénévole du Secours Populaire qui habite non loin du Gerbier est venu à notre rencontre et nous propose même d’aller nous changer au chaud chez lui. Malgré l’espace réduit du camping-car aux commandes duquel mon oncle Roland et Mickaël se relaient depuis le départ, nous préférons ne pas attendre pour nous changer. Heureuse décision car quelques minutes seulement après être à l’intérieur, la pluie refait son apparition. Julien qui a montré quelques petits signes de fatigue au cours de la montée va finalement décider de rester à l’intérieur et c’est donc à 3 que nous reprenons notre route.
Une nuit de folie
L’obscurité est désormais totale et la pluie semble bien décidée à ne pas nous lâcher. Nous mettons le cap sur le Béage en nous habituant progressivement à évoluer à la lueur de nos éclairages. Par chance, la température se maintient au dessus de 10°c rendant plus supportable la pluie qui ne cesse de s’abattre sur nos épaules. Evoluant sur des routes au profil de type montagnes russes, nous traversons sans trop de soucis le plateau ardéchois jusqu’à la nationale 102 via La Chappelle Graillouse et Coucourron. Sous cette pluie battante, les très rares automobilistes que nous croisons doivent sans doute mettre un peu de temps pour être certains de ne pas rêver en nous apercevant !

Alors que nous nous dirigeons vers Lesperon à quelques encablures de la Lozère toute proche, je commence à ressentir le froid m’envahir petit à petit et ne tarde pas à me mettre à claquer des dents. Mes trajectoires deviennent moins précises du fait des grelottements qui m’empêchent de maîtriser parfaitement la tenue de mon guidon. Je finis par me rendre à l’évidence qu’il me faut m’arrêter pour enfiler une couche de vêtement supplémentaire. Nous effectuons donc une courte pause dans la traversée d’un hameau non loin de Cellier du Luc et nous voilà repartis. Il est aux environs de 23h et la pluie est toujours présente bien qu’elle paraisse en atténuation.
Notre prochain arrêt est prévu au carrefour du Bez où nous devons y retrouver mon cousin Jean-Marc qui va prendre place dans le camping-car pour renforcer l’équipe d’assistance !
Étrangement, malgré les conditions météos et les kilomètres déjà effectués les sensations sont toujours bonnes. Aucun signe de fatigue ne se fait ressentir et j’avoue même avoir presque oublié la pluie depuis que j’ai retrouvé un semblant de chaleur corporelle. Tout semble également bien aller tant du côté de Roland que de Jacques qui contrairement à nous est resté en cuissard court… Quel guerrier !
Avec un peu de retard sur l’horaire initialement prévu, nous retrouvons Jean-Marc non pas au Bez mais quelques kilomètres plus loin au pied du col du Meyrand où il semblerait que la pluie ait cessé temporairement. Cette ascension n’est ni très longue ni très difficile. Une fois le sommet atteint, nous plongeons littéralement dans la vallée de Valgorge non sans passer par le village de Loubaresse où l’on enregistre généralement les plus forts cumuls de précipitation lors des phénomènes cévenol à l’instar de celui que nous connaissons… A défaut de pluie diluvienne, nous sommes enveloppés dans un épais brouillard que la lumière de nos lampes transforme en voile blanc. Fort heureusement, ce rideau naturel qui réduit notre visibilité déjà bien mince finit par s’estomper après quelques kilomètres pour laisser à nouveau place à la pluie. Si le risque de croiser un automobiliste est désormais quasiment nul, il n’en est pas de même avec la faune qui peuple ces fonds de vallées. Nous allons d’ailleurs en faire l’expérience en évitant on ne sait encore comment un imposant sanglier sorti de nulle part et dont la masse noire va frôler ma roue avant. Il s’en est fallu de quelques millimètres seulement pour que je ne le percute, tout comme Roland qui se souviendra sans doute longtemps de cette soudaine rencontre.
Rapidement remis de notre frayeur, nous enchaînons les derniers virages de cette interminable descente et entrons dans le village de Valgorge où un arrêt est prévu. Il doit être environ 2h30 du matin. La pluie est toujours aussi présente et nous nous mettons à l’abri sous un arrêt de bus en attendant l’arrivée de Jacques suivi par le camping-car. Malgré les conditions déplorables qui nous accompagnent depuis des heures, l’ambiance reste bon enfant et le moral demeure toujours au beau fixe contrairement à la météo !
Une fois changés et ravitaillés, nous reprenons notre route en direction du sud Ardèche en modifiant une nouvelle fois l’itinéraire compte tenu du temps. Ainsi, au lieu de passer par Largentière puis d’effectuer une boucle par Sablières, la décision est prise de nous rendre directement à Joyeuse puis à Lablachère pour ensuite gagner Les Vans. L’eau qui déboule de toute part sur la route que nous empruntons pour aller à Joyeuse nous conforte dans l’idée que nous avons fait le bon choix en évitant le secteur de Sablières. Outre les pierres et les branches qui jonchent le sol, voilà qu’il nous faut soudainement aussi éviter une petite troupe de vaillants marcassins ! Quelle nuit !
A l’approche de Joyeuse et plus encore des Vans, la pluie devient torrentielle, le ciel ne cesse d’être zébré par les éclairs et le tonnerre gronde de plus en plus fort. Pas de doute, nous sommes bien au cœur de l’orage !
Fort heureusement, à la sortie des Vans la situation s’améliore et en rejoignant la route de Alès pour « remonter » en direction de Vallon Pont d’Arc la pluie s’estompe petit à petit pour disparaître totalement.
Après la pluie le beau temps ou presque…
Nous effectuons un arrêt express à Vallon Pont d’Arc alors que le petit jour ne semble pas encore décidé à pointer le bout de son nez. Avant d’entamer notre remontée vers le nord du département, la route des gorges de l’Ardèche et ses quelques 1000 m de dénivelé positif sur près de 30 km se présente à nous. On y accède par la rampe du Serre de Tourre et s’en suit un enchaînement sans fin de montées et de descentes, de virages à gauche puis à droite… Une route interminable qui pourrait peut être servir de cadre au contre la montre du prochain Tour de France dont on a désormais la confirmation qu’il sera disputé entre Bourg Saint Andéol et l’espace de restitution de la grotte Chauvet. Mais ça, c’est une autre histoire.
Alors que nous approchons de la fin des gorges de l’Ardèche, les premières lueurs du jour apparaissent enfin. La pluie a définitivement cessé et nous voilà engagés en direction du Teil où une pause petit déjeuner nous attend au local du Secours Populaire. Le plus dur est désormais dernière nous. Le compteur affiche 350 km. Il en reste encore près de 200 km à parcourir.
Fort heureusement nous n’avons pas à faire face au mistral qui aime bien s’engouffrer dans la vallée du Rhône. Pour autant, contrairement à la veille, le vent du sud est quasiment nul. Il ne nous offrira pas une aide substantielle. Qu’importe, les jambes tournent toujours parfaitement bien et nous atteignons Le Teil sans encombre pour une pause petit déjeuner salvatrice offerte par les bénévoles du Secours Populaire qui nous accueillent chaleureusement. Nous en profitons pour remettre des vêtements secs et prenons le temps de savourer ce petit moment de répit sous un ciel qui semble vouloir se dégager. Soyons optimiste.

Après 45 minutes d’arrêt nous remontons en selle, direction Aubenas où une partie de l’équipe d’assistance de nuit nous quitte. Depuis le Teil Julien pédale à nouveau en notre compagnie et nous nous présentons tous les 4 au pied de la dernière difficulté majeure du parcours : le col de l’Escrinet (787 m). Nous atteignons le sommet en ordre dispersé. Julien et Roland ont joué les éclaireurs alors que de mon côté je veille à ne pas trop puiser dans les réserves qui s’amenuisent peu à peu.

Alors que l’on pensait en avoir terminé avec la pluie, une averse accompagne la fin de notre descente de l’Escrinet. Fort heureusement elle sera de courte durée et c’est finalement sous le soleil que nous traversons Privas et arrivons à la sortie de la ville où un comité d’accueil fort sympathique nous attend dans lequel se trouve notamment ma petite Coralie. Quel bonheur de pouvoir la serrer dans mes bras ! Le temps d’une petite photo pour immortaliser cet agréable moment et nous voilà reparti pour la dernière ligne droite de notre raid épique.
Le Pouzin, La Voulte, Beauchastel, Saint Péray… à chaque ville de la vallée du Rhône que nous traversons nous nous rapprochons du terme de cette belle aventure humaine. Un dernier effort dans la vallée de la Cance et nous voici de retour à Annonay un peu plus de 28h après avoir quitté la ville des frères Mongolfier.
Ainsi s’achève une aventure humaine particulièrement intense au cours de laquelle nous avons su éviter de nombreux pièges. Affichant toujours la même détermination, nous sommes parvenus à relever un challenge rendu difficile par les conditions météorologiques déplorables que nous avons rencontrées. Des liens forts d’amitié se sont tissés entre nous tout au long de ce week end mémorable. Je tiens à remercier Julien, Roland et Jacques, mon fidèle compagnon de route, pour m’avoir accompagné dans cette aventure un peu folle. Mickaël, Jean-Marc, Roland ainsi que Claude et Michel ont veillé sur nous tels de véritables Saints Bernard. Merci, car sans eux, nous n’avions aucune chance d’aller au bout.
Une nouvelle page se tourne. Il convient de laisser le temps faire son oeuvre pour immortaliser tout ce que nous avons vécu en attendant que se dessinent de nouveaux projets…
One comment
Comments are closed.