Plaidoyer pour un retour aux vraies valeurs du cyclosport

Il n’y a pas si longtemps que cela, le cyclosport offrait encore un formidable terrain de jeu à tous ceux qui cherchaient une alternative aux courses cyclistes traditionnelles. Ces fameuses courses que l’ont appellent tantôt « courses de clocher », « course de vogue », « coursette »… 

Dans les années 80, le cyclosport était venu ouvrir une 3e voix entre la compétition pure et dure et le cyclotourisme contemplatif. Ce savant dosage entre parcours dits de « légende » et lutte contre le chronomètre a suscité un net intérêt auprès de tous ceux qui voyaient en ces épreuves une formidable occasion de relever un défi personnel, un challenge hors du commun. Pour la première fois, des épreuves cyclistes chronométrées permettaient à tous, du premier jusqu’au dernier, de ressentir une émotion particulière et plus ou moins intense en franchissant une ligne d’arrivée. Après des heures d’effort, quoi de plus fort que de pouvoir se dire « je l’ai fait » ?

Combien de rêves sont ainsi devenus réalité au sommet de l’Alpe d’Huez au terme d’un parcours désormais légendaire ?

C’est sur des parcours de montagne (ou de moyenne montagne) que le cyclosport a acquis ses lettres de noblesse, son caractère unique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai toujours considéré que le cyclosport était une discipline qui prenait tout sa raison d’être en milieu montagnard ou semi-montagnard. Ceci n’engage que moi bien entendu.

P1000287

Au fil des années, le succès grandissant des tous premiers « marathons » cyclosportifs a donné des idées à d’autres. Le phénomène a pris de l’ampleur au point que l’on dénombre désormais en France plus de 150 rendez-vous estampillés « cyclosportive » par an. Mais combien possèdent-elles un caractère véritablement cyclosportif avec des parcours bien « trempés » sur lesquels le dépassement de soi a une vraie signification ? Peu. Trop peu.

Parallèlement à l’explosion du nombre d’épreuves, on a assisté à la réduction du kilométrage et à la nivellation par le bas de la difficulté.

Certes, il est fort louable de chercher à satisfaire le plus grand nombre mais cette explosion de l’offre n’a pas forcément été bénéfique au cyclosport lui-même. D’autant que plus l’offre est importante, plus le « consommateur » devient pointilleux. Ainsi, peu à peu, les cyclosportives s’apparentent à de véritables « supermachés du cyclisme loisir » où le pire côtoie le meilleur.

IMG_20150726_080548

La réduction progressive du kilomètrage des cyclosportives a également engendré une évolution des mentalités. Si l’on revient en arrière, il n’y a pas si longtemps que ça, bon nombre de coursiers et de dirigeants de clubs considéraient les cyclosportives avec mépris. Les cyclosportifs n’appartenaient pas au même monde ; ils ne jouaient pas dans la même cour que les « vrais » coureurs.

Sur le fond ils n’avaient pas si tort que ça, simplement, la forme laissait à désirer…

Or, du fait de la diminution des distances, on a vu progressivement de plus en plus de coursiers se tourner vers les cyclosportives. A tel point, que certains parcours annexes d’épreuves de renom ont pris l’allure de ces fameuses courses de clocher que les laisser pour compte de la FFC avaient fuit.

Si j’admets bien volontier que le travail réalisé depuis plusieurs années par la commission loisir de la FFC a permis de mieux asseoir le cyclosport sur le plan administratif, je doute du résultat quant à l’esprit cyclosportif. En considérant désormais les cyclosportives comme de véritables courses on tue purement et simplement tout ce qui faisait l’originalité du « phénomène cyclosportif » et on l’expose dangereusement aux mêmes dérives que j’évoquais en préambule.

Ces formidables espaces de liberté qu’étaient les cyclosportives me semble de fait menacés. Idem en ce qui concerne le côté émotionnel lié à l’accomplissement d’un challenge personnel. Où se situe la part de rêve quand on boucle une soi-disante cyclosportive dans le Gers à plus de 40 km/h au mois de février ? Appelons un chat un chat, ou entendons-nous bien sur la définition du terme « cyclosport ». S’agit-il de course cycliste populaire ou d’épreuve de grand fond ? Telle est la question que l’on devrait se poser car je ne suis pas certains que les « pionniers » qui ont découvert les cyclosportives au début des années 90 soient aujourd’hui toujours aussi enclin à venir. Nombreux sont en effet ceux qui s’en détournent pour aller vers d’autres organisations telles que les BRM par exemple ou pour certains vers l’ultra-distance et pour d’autres dont je fais partie il n’est même plus nécessaire de passer par des organisations officielles. L’avenir est d’ailleurs à chercher du côté du numérique via des plate-forme qui mettent en relation les pratiquants autour d’événements informels.

Bien évidemment, libre à chacun de choisir le terrain de jeu qui lui convient. Pour ma part je privilégie les aventures cyclosportives qui font renaître de merveilleux souvenirs lorsqu’on les évoque ou qui nourrissent de folles ambitions quand on rêve de les réaliser un jour.