En début d’année lorsque j’ai commencé à étudier la perspective de participer à Liège Bastogne Liège Challenge je ne savais pas trop si je serai en mesure de voir mon rêve se réaliser. A savoir, à l’instar des pros, parcourir les routes de la “Doyenne” des classiques cyclistes soit 270 km à travers les ardennes belges agrémentés de 9 côtes aux noms évocateurs, dont certaines avec des passages à plus de 20%. Rouler sur le parcours d’une épreuve qui a vu les plus grands s’y distinguer; une épreuve qui appartient à l’histoire du cyclisme. Finalement, il a suffit que je parle de ce projet à mon ami Jacques pour qu’il se concrétise. Il faut dire que Jacques n’est pas le dernier à rechigner dès qu’il s’agit de se lancer dans de ce type d’aventure !
Ce vendredi 24 avril 2015, nous voici donc en route pour la Belgique, bien décidés à nous mesurer au parcours d’une épreuve mythique.
Le format de ce Liège Bastogne Liège Challenge est de type randosportive avec toutefois le chronométrage des côtes du final pour qui veut mettre un peu de piment au parcours. Le départ est libre entre 6h30 et 7h30 ce qui enlève une certaine pression et évite aux organisateurs de lâcher un peloton consistant (plus de 3000 participants) et potentiellement indiscipliné. D’autant que les conditions météo en ce samedi matin ne sont pas bonnes. L’ambiance printanière à notre arrivée vendredi a laissé place dans la nuit à un temps typiquement ardennais. Le choix de la tenue se révèle donc primordial et sur ce point, je m’en remets en toute confiance à la gamme Ekoi et en particulier à la veste waterprotect à l’efficacité bluffante.
C’est donc sous la pluie que nous quittons à vélo notre hôtel situé à 10 km du départ. Arrivés sur l’aire de départ peu après 6h30 nous nous élançons immédiatement à l’assaut du parcours mythique qui nous attend.

Une longue descente vers le sud
Au gré des feux tricolores qui jalonnent la traversée des faubourgs de Liège nous intégrons un petit peloton qui prend progressivement de plus en plus d’ampleur. La route est détrempée et nous invite à redoubler de vigilance notamment lorsque nous empruntons certaines portions de chaussée pavées. Sortis de Liège, nous voilà engagés dans la longue descente vers Bastogne. Descente en terme de latitude certes, mais pas forcément en terme de profil ! En effet, nous empruntons des routes en forme de montagnes russes. Rien d’effrayant bien évidement comparé à ce qui nous attend une fois que nous entamerons le retour vers Liége. Le rythme est assez soutenu et au fil des ascensions les groupes se composent puis se décomposent. Visiblement, la plupart des cyclistes qui participent ne sont pas venus pour musarder en cours de route ! Personnellement, ceci me convient parfaitement et je me prends au jeu en assurant régulièrement des relais au sein du groupe dans lequel j’ai fini par trouver place. La pluie est toujours bien présente mais ma veste Ekoi Waterprotect se montre parfaitement à la hauteur de son nom.

Les jambes réagissent parfaitement à toutes les sollicitations et alors que je suis parti pour 270 km, je ressens une profonde sérénité et éprouve un vrai plaisir à évoluer dans cette ambiance particulière entouré de cyclistes qui parlent flamands, néerlandais, anglais ou italien.
La Roche en Ardennes, une entrée en matière en douceur
La première côte référencée est située au km 83. Il s’agit de la côte de la Roche en Ardennes que nous abordons toujours sous la pluie. Cette première difficulté fait office de mise en bouche. Sans pourcentage excessif et relativement régulière, elle occasionne néanmoins une vraie sélection et au sommet, nous ne sommes plus qu’une poignée. Le vent devient plus sensible alors que nous progressons sur une sorte de plateau avant d’entamer une réelle descente. Bien aguerris à ce genre de situation, mes compagnons de route forment immédiatement un éventail dont je suis éjecté, bien moins rompu qu’eux à ce genre d’exercice ! Je ne m’affole pas outre mesure et à la faveur de la descente à venir, je retrouve ma place et n’hésite pas à prendre immédiatement un relais bien appuyé histoire de leur signifier qu’il en faut bien plus pour m’impressionner ! J’ai le sentiment d’être dans une sorte d’état de grâce convaincu de vivre une grande journée qui fera date dans mon expérience cycliste. J’assure progressivement l’essentiel des relais jusqu’à Bastogne où nous allons amorcer le retour sur Liège après avoir traversé le fameux rond point qui porte le nom de la Doyenne. A partir de là, une autre épreuve commence. Désormais, nous allons entrer dans le vif du sujet avec l’enchaînement des difficultés qui ont fait la légende de Liége Bastogne Liége.
Saint Roch, le début des grandes manoeuvres
Je profite du second ravitaillement pour faire lubrifier ma chaîne qui a été soumise à rude épreuve depuis le départ compte tenu des conditions météo. Chacun repart en ordre dispersé et pendant quelques kilomètres, je vais évoluer seul avant de rejoindre un petit groupe dans lequel je prends place jusqu’à la côte de Saint Roch. 3 solides gaillards donnent le tempo et assez rapidement, je me mêle à eux toujours aussi confiant. Nous progressons à vive allure et prenons de longs relais à tour de rôle, sans échanger ni un mot ni un geste, comme un quatuor parfaitement rodé alors qu’il y a quelques minutes encore nous ne nous connaissions pas. A ce rythme, nous ne tardons pas à arriver au pied de la côte de Saint Roch située au km 130. Cette fois, nous entrons dans le vif du du sujet. Dès l’entame, la route se redresse brusquement. Au plus fort de la pente, on frôle les 20%. Bien calé sur ma selle, je reste le plus longtemps possible assis en conservant un coup de pédale aussi fluide que possible grâce au braquet de 34×28 pour lequel j’ai opté. Je relance la cadence en danseuse à mi-pente et bientôt le sommet se rapproche alors que la pente devient moins marquée.
Ce premier contact avec de forts pourcentages s’est plutôt bien passé, place au suivant, la côte de Wanne, plus longue (2,2 km) mais moins abrupte avec un pourcentage maximal de “seulement” 13%. Celle-ci est située au km 142 ce qui permet à notre quatuor de se remettre en ordre marche. J’éprouve toujours cette même sensation de bien être qui m’accompagne depuis le départ. Tout se déroule à merveille grâce notamment à une alimentation rigoureusement gérée à raison d’un gel Squeezy par heure.
Stockeu, Haute Levée, l’enchaînement sans répit
Le stade de la mi-parcours est en passe d’être franchi et je ne ressens aucun signe de fatigue alors que nous allons aborder le redoutable enchaînement côte de Stockeu, côte de la Haute Levée en seulement quelques kilomètres.

C’est dans Stockeu que nous affrontons les plus forts pourcentages (23%) de ce Liège – Bastogne – Liège. Cette ascension débutte à l’entrée de la ville de Stavelot après un brusque virage à droite. Là encore, la route se redresse brusquement et sans aucune transition nous sommes confrontés à un premier mur de 1 kilomètre où l’on doit faire face aux plus forts pourcentages. Je passe sans trop de souci et aborde la seconde moitié, beaucoup moins pentue, en tombant quelques dents. Au sommet, nous tournons à gauche pour replonger immédiatement sur Stavelot où nous croisons ceux qui arrivent à leur tour au pied de Stockeu.
La transition va être très courte avant d’enchaîner avec la côte de la Haute Levée. Il n’y a en effet qu’un pont à franchir, qui plus est sur une route route pavée ! Fort heureusement, les organisateurs permettent à ceux qui le souhaitent de souffler un peu en marquant une pause au ravitaillement qu’ils ont positionné au pied de la Haute Levée. Pour ma part, j’en profite pour faire faire un petit réglage de dérailleur arrière et faire lubrifier à nouveau ma chaîne puis je reprends ma route.
Avec près de 3,5 km, la côte de la Haute Levée est l’une des plus longues du parcours. Elle concentre ses plus forts pourcentages sur le premier kilomètre avant de s’adoucir très nettement sur la fin. Je la passe relativement bien, évoluant désormais seul, une situation qui ne m’inquiète pas outre mesure étant un adepte des sorties au long cours en solitaire.
Le Rosier, véritable petit col de moyenne montagne
Je mets désormais le cap sur le col du Rosier alors que la pluie qui avait temporairement cessé pendant l’enchaînement Stockeu / Haute Levée a refait son apparition. Le parcours emprunte maintenant des routes de moyenne montagne et avec 4,5 km de long, le Rosier s’apparente à un vrai petit col au profil très régulier.
Le cap des 200 kilomètres va bientôt être franchi et je maintiens un rythme toujours aussi soutenu en jouant régulièrement du dérailleur pour conserver un coup de pédale le plus souple possible.
La Redoute, le juge de paix
Les kilomètres défilent et l’on approche de la plus mythique des côtes de Liège-Bastogne-Liège où souvent la légende de la Doyenne s’est écrite depuis son apparition en 1974. “Ceux qui n’ont plus les jambes y sautent, c’est inévitable !” dixit Joseph Bruyère qui y a forgé ses victoires en 1976 et 1978. Pour Philippe Gilbert, “la Redoute c’est notre Koppenberg à nous, les Wallons”. Même si elle ne sert plus autant de tremplin vers la victoire que par le passé, cette côte reste très prisée par le public qui s’y amasse en nombre comme en témoignent la présence de nombreux camping-cars garés de part et d’autre de cette petite route étroite qui longe l’autoroute.

La pluie s’est à nouveau arrêtée et nous bénéficions d’un vent favorable pour affronter cette 7e difficulté. Longue de 1,9 km, elle affiche une pente moyenne de 9,7% avec une pointe à 20%. Autant dire qu’avec déjà 226 km dans les jambes, elle fait office d’épouvantail.
J’éprouve des frissons en l’abordant. Je me revois, il y a quelques années, rivé sur ma télé à guetter le démarrage des Criquelion, Argentin, Bartolli, Vandenbrouke et consorts. Pour rien au monde je n’aurai raté la retransmission de la Doyenne. Aujourd’hui à mon tour je pose mes roues sur ce petit bout de route qui a souvent fait office de juge de paix. La pente est rude mais la présence des campings-car, des drapeaux, et les inscriptions sur la route me donnent presque des ailes. J’ai l’impression d’entendre la clameur d’un public imaginaire qui me porte littéralement et je me surprends à passer finalement aussi bien cette difficulté.
La délivrance approche
Une fois au sommet, j’ai le sentiment d’avoir fait le plus dur et que rien ne pourra désormais entraver mon retour à Liège même s’il reste encore à franchir la côte de la Roche aux Faucons et celle de Saint Nicolas.
Moins de 20 kilomètres séparent la Redoute de la Roche aux Faucons mais pour autant, il ne s’agit pas réellement d’une période de transition car sur Liége Bastogne Liège, nous sommes toujours en prise.
Dans cette avant dernière côte, le soleil finit par s’imposer et va nous accompagner jusqu’à l’arrivée. Il reste désormais moins d’une trentaine de kilomètres à parcourir et c’est à l’énergie que je franchis cette avant dernière côte longue de 1,5 km à pratiquement 10% de pente moyenne avec un pourcentage maximum à 16%.
Saint Nicolas, la côte des italiens

Avant d’entamer la dernière difficulté du jour rebatpisée la côte des italiens en raison de la présence d’une forte colonie italienne dans ce quartier situé dans les faubourgs de Liège, on plonge à vitesse grand V vers la Meuse puis on passe devant le fameux stade du Standard de Liège.
La côte de Saint Nicolas n’est pas particulièrement difficile mais après plus de 250 km dans les jambes, tout est relatif ! Je la franchis néanmoins sans encombre en parvenant à maintenir une fréquence de pédalage relativement élevée à ce stade du parcours.
La boucle est bouclée
L’arrivée n’a jamais était aussi proche mais les derniers kilomètres à parcourir ne sont pas des plus agréables car on évolue désormais au milieu d’un trafic automobile important sans compter les arrêts aux nombreux feux tricolores.
Comme souvent, lorsque l’on est sur le point d’achever quelque chose d’intense, je ressens une sorte de petit pincement au coeur mêlé d’une forte émotion. D’ici quelques minutes je vais mettre définitivement mettre pied à terre après avoir vécu une formidable aventure. J’éprouve une satisfaction immense. C’est la récompense de tous les efforts consentis depuis plusieurs mois pour parvenir à gérer aussi bien ma progression sur ce parcours qui appartient à l’histoire du vélo. Aprés 9h53, 271 km et près de 4500 m D+ j’ajoute le parcours de la Doyenne à mon tableau de chasse.

Jacques, mon fidèle compagnon de route sur les sorties au long cours que nous apprécions tous les 2 en fera de même quelques minutes plus tard. Lui comme moi ne sommes pas prêts d’oublier cette merveilleuse journée au cours de laquelle, à notre façon, nous sommes entrés dans la légende de Liége Bastogne Liége.
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