Il est des petits délires qui vous viennent parfois à l’esprit sans que la raison ne vous invite à la modération. Mais après tout qu’importe, l’important n’est-il pas d’en retirer un plaisir et une satisfaction que seul celui qui en est à l’origine peut en aprécier toute la saveur ? Et de saveur justement il en est question avec ce fameux périple intitulé « Raid Panettone » qui consistait à descendre à Nice pour une déguster un… panettone (et oui !) avant de remonter à Lus la Croix Haute le lendemain via cette si chère route de la Bonette.
Certes, je mentirai en retenant pour seul prétexte à cette aventure de quelque 620 km la dégustation d’un savoureux panettone à Nice ! La perspective de rendre une petite visite aux cousins niçois m’a en effet clairement donné le cap à tenir.
Jusqu’à quelques jours du départ, l’incertitude planait sur le choix de l’itinéraire : Cayolle, Bonette, Allos ? Lequel de ces 3 cols allaient-ils me permettre de passer si tôt dans la saison le cap des 2000 m d’altitude ? Il est évident que « sentimentalement » parlant, la Bonette était de loin mon objectif prioritaire. Ouverte dès le 29 avril, elle fut cependant à nouveau fermée les 1er et 2 mai suite à de mauvaises conditions climatiques. Mais finalement, 2 jours avant mon départ, la route était à nouveau accessible ! La Bonette, ou plus exactement le col de Restefond serait donc le point culminant de ma folle escapade.
Equipé en mode baroudeur avec dans la sacoche de selle Apidura une paire de sandale et des vêtements « civils » (tee-shirt + pantalon léger) ainsi qu’une tenue de rechange pour le retour, j’avais également opté pour un léger sac à dos qui me servirai à mettre les couches de vêtements que j’allais progressivement quitter au fur et à mesure de ma descente vers le sud. 2 petites sacoches sur le tube horizontal complétaient mon équipement. L’une faisant office de « garde manger », l’autre étant notamment destinée à ranger le téléphone et la batterie de secours pour mes équipements de navigation.
Objectif panettone !
Il était 4h30 lorsque je quittait Pont de l’Isère ce mercredi 5 mai. Jusqu’à Crest, ma progression s’effectuait à la lueur de ma lampe dans une ambiance que je trouve toujours aussi sur-réaliste lorsque je roule de nuit. A la sortie de Crest, le jour commençait à poindre alors que la température était beaucoup plus basse que dans la plaine valentinoise. Pour une fois, le vent allait épargner ma traversée de la vallée de la Drôme m’offrant ainsi la possibilité de maintenir un solide tempo jusqu’au pied du col de Cabre.
Malgré le sur-poids du à mon équipement (environ 4 kg), je franchis ce col sans avoir le sentiment d’être plus en peine qu’à l’accoutumé. Les relances en danseuse s’effectuant par ailleurs sans gêne malgré la présence de la sacoche de selle. Un petite pause rapide au sommet le temps d’une photo souvenir et me voilà engagé dans la descente en direction de Serres.
Jusqu’à Sisteron, la circulation en ce jeudi de l’Ascension fut relativement dense. Mais en quittant la N75 pour la route Napoléon, le calme revint. Progressant désormais en court pour la première fois de l’année, j’éprouvais une sensation unique de liberté et de bonheur à travers les routes de la Haute Provence.
Au fur et à mesure que je me rapprochais de Saint André les Alpes, le ciel se chargeait jusqu’à ce que le soleil si présent depuis Die ne finisse par disparaître totalement. C’est donc sous un ciel gris qui deviendra même menaçant en fin de journée que je poursuivis mon chemin, longeant notamment les eaux turquoises du Verdon entre Saint André les Alpes et Saint Julien du Verdon.
Le col de Toutes Aurores, à 1124 m d’altitude marquait le point culminant de cette première étape. Il me permettait de basculer dans la vallée du Var par une très longue descente en direction de Entrevaux et de sa magnifique citadelle où je retrouvais David (le cousin niçois) et Jean-Vincent, 2 intrépides trailleurs du Team Panettone.
Jean-Vincent allait m’accompagner sur les quelques 70 km restant avant d’atteindre le terme de cette première étape. Son aide fut fort appréciable dans la vallée du Var où un désagréable vent de sud avait pris la faucheuse idée de s’engouffrer. Au gré de notre entrée dans les basses gorges de la Vésubie, notre progression redevint plus fluide. Une succession de petites côtes typiques de l’arrière pays niçois était au programme. Joueur, Jean-Vincent allait en profiter pour me titiller un peu ! Bien évidemment, je me pris au jeu, agréablement surpris qu’après plus de 300 km, les jambes répondent encore aussi bien.
C’est donc dans un relatif état de fraîcheur que s’achevait le premier acte de ce Raid Panettone sur les hauteurs de Nice à Colomars. Et à mon arrivée, en guise de récompense, un trophée symbolique, un Panettone d’un bon kilo en l’occurrence, récompensait ma bravoure !
Avec 371 km au compteur et une moyenne au delà de 28 km/h, le bilan de cette première étape se montrait très satisfaisant d’autant que les signes de fatigue ne se faisaient pas particulièrement ressentir.
La soirée allait se passer autour d’un solide repas en compagnie de 2 autres « panettoniens », Lolo et Cécile avec lesquels je repartirai le lendemain en direction de la route de la Bonette.
Une Bonette sinon rien !
Après une bonne nuit de sommeil, la suite des aventures pouvait donc reprendre. A 8h15 comme convenu, je retrouvais Lolo et Cécile sur la piste cyclable longeant le Var à Carros. Direction la Bonette ! J’éprouvais une certaine impatience à l’idée de retrouver ce haut lieu pour lequel j’éprouve tant t’attirance. Les souvenirs de mon dernier passage en juillet dernier lors de mon raid en faveur des populations des villages népalais victimes du terrible tremblement de terre d’avril 2015 étaient présentes à mon esprit comme si c’était hier.
Mais avant de découvrir cette ascension dans un décor bien différent de celui que je connais, il va falloir affronter une nouvelle fois un vent contraire jusqu’à Saint Etienne de Tinée. Particulièrement sensible dans la vallée du Var, il va fort heureusement s’atténuer progressivement dans celle de la Tinée. Notre progression s’en trouve cependant bien ralentie d’autant que le profil ne fait que monter pour arriver au pied de la Bonette. Les sensations sont toutefois bonnes compte tenu des kilomètres de la veille et je savoure cette longue approche en compagnie de mes deux accompagnateurs du jour qui font preuve d’un joli coup de pédale.
Lorsque nous arrivons enfin à Saint Etienne de Tinée j’éprouve une certaine excitation. La route de la Bonette est désormais à mes pieds, ce rêve un peu fou que j’ai tant attendu est sur le point de devenir réalité ! Il s’en est fallu d’ailleurs de peu pour qu’il en soit ainsi car la veille encore, le brouillard, le vent et le froid enveloppaient le sommet, rendant le passage à plus de 2700 mètres particulièrement délicat. En ce jeudi 6 mai les cieux sont en revanche nettement plus favorables.
Après avoir fait le plein de nos bidons, nous voici donc en route vers les cimes dans un décor qui va nous faire peu à peu passer du printemps à l’hiver au fur et à mesure que nous nous élevons. Mon coup de pédale n’est pas le même que celui de juillet 2015 mais je n’éprouve pas de difficulté particulière pour relancer l’allure de temps en temps. Je reste néanmoins sur la défensive car la route est encore longue jusqu’à Lus la Croix Haute et il faut bien avouer que les jambes ne répondent quand même pas aussi bien après les 370 km de la veille… Mais qu’importe la vitesse à laquelle j’effectue cette longue ascension, ma joie est immense de me retrouver en ces lieux. Je savoure chaque mètre et je respire à plein poumon cet air pur. Les kilomètres défilent et le sommet se rapproche. Les murs de neige deviennent de plus en plus haut. La température n’est pas très élevée mais la présence du soleil suffit à donner une agréable sensation de bien être. Quel pied… Quel chance de pouvoir être ici.
La fin de l’ascension approche et je ressens presque un peu de tristesse à l’idée de me dire que dans quelques minutes je basculerai de l’autre côté en direction de Barcelonnette, laissant derrière moi ce décor à nul autre pareil. Un décor que je retrouverai cependant dans quelques semaines à l’occasion du défi raid des 7 Majeurs qui promet d’être une sacrée aventure. Mais ça, c’est pour plus tard !
Pour l’heure, parvenu au sommet, il est temps de se couvrir un peu pour la descente dans la vallée de l’Ubaye. Après la photo souvenir, je salue mes 2 co-équipiers du jour, Lolo et Cécile qui a notamment fait une montée remarquable, ainsi que David et Hélène qui vont les ramener.
Me voilà donc à nouveau en solitaire pour effectuer les 130 km qu’il me reste à parcourir jusqu’à Lus la Croix Haute, terme de ce périple haut en couleurs. La descente sur Jausiers s’effectue sans encombre. La route est parfaitement propre et je suis agréablement surpris par la température que je craignais plus fraîche.
Je profite de mon passage à Barcelonnette pour faire un petit détour par la place Manuel et le Choucas bar où j’ai désormais mes habitudes chaque fois que je me rends en Ubaye. Je m’accorde une petite pause le temps de déguster un bon chocolat qui m’est gentillement offert puis je reprends ma route vers le bas de la vallée de l’Ubaye et le lac de Serre Ponçon. Les souvenirs du Défi des Fondus de l’Ubaye sont particulièrement présents et j’ai toujours cette étrange sensation de vivre un rêve éveillé d’autant que physiquement, tous les voyants sont au vert. Les kilomètres défilent sans que je ne m’en rende compte. Seul le vent, encore lui, vient quelque peu perturber ma folle progression.
A Gap, je décide de m’accorder une petite pause dans une boulangerie pour boire et un Coca (zéro bien entendu, on fait le métier ou pas !) et pour avaler un solide pouding (là on fait moins le métier) qui vient rompre la monotonie « gustative » des barres et des gels avec lesquels je m’alimente depuis près de 10 heures.
Il ne me reste plus que 50 kilomètres à parcourir et le vent semble vouloir enfin me laisser en paix. Je reprends ma marche en avant toujours avec autant de plaisir sans ressentir aucune lassitude malgré les kilomètres accumulés depuis la veille. Lus la Croix Haute se rapproche. D’ici quelques minutes, mon périple prendra fin. Une aventure de plus va venir s’ajouter au rayon des souvenirs. J’en éprouve des frissons et je me laisse envahir par une douce sensation de bonheur absolu. Nul ne peut imaginer ce que l’on peut ressentir après ce genre d’expérience sans l’avoir vécu soi-même. Au delà de la satisfaction d’avoir atteint l’objectif que l’on s’est fixé, il y a comme une sorte de saveur unique d’avoir échappé à toute forme de réalité durant 48 heures. Les images défilent devant mes yeux comme un ultime bouquet final. Un dernier coup de rein pour me hisser jusqu’à la maison où l’on m’attend impatiemment et je pose définitivement le pied à terre. Mon raid Panettone s’achève alors que le jour décline. J’ai parcouru près de 620 km et déjà, je me projette vers de nouveaux périples…
Données Strava
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