J’ai sans doute vécu ce 12 juillet 2015 l’une des journées les plus fortes émotionnellement de ma vie de cycliste. Une journée au cours de laquelle tous les éléments ont été réunis pour lui donner une saveur à nulle autre pareille. Il y avait bien évidemment en tout premier lieu le contexte particulier qui entourait cet objectif ambitieux que je m’étais fixé pour marquer ma solidarité avec le peuple népalais durement frappé par le tremblement de terre du 25 avril dernier. Certes, au regard des besoins colossaux que nécessitent la reconstruction de villages entiers, ma collecte de dons pourra paraître bien mince . Néanmoins, j’aurai mis toute mon énergie et ma détermination pour appeler aux dons à travers mes différents réseaux. Une énergie et une volonté équivalente à celle que j’ai déployée tout au long des 280 km de ce parcours un peu fou que j’avais imaginé.
Un parcours à la hauteur du défi que constitue la reconstruction d’un dispensaire et d’une école à Singla, petit village accroché sur les pentes de l’Himalaya. Un projet porté par l’association Himalayayatra à laquelle je reverserai la totalité des dons que j’aurai collectés d’ici à la fin août.
Le fait que ce fameux défi que j’avais intitulé « Soulevons des montagnes pour le Népal » se déroule dans le cadre d’une opération de solidarité initié dans la vallée de l’Ubaye n’est pas non plus étranger à l’intensité émotionnelle de cette journée. Tombé sous le charme de cette vallée aux accents latino-américains depuis le premier jour où je l’ai découverte, j’ai eu le sentiment d’en devenir un citoyen apparenté, sans aucune prétention de ma part, en m’engageant ainsi aux côtés des ubayens pour témoigner de la solidarité des montagnards.
Partir pour mieux revenir…
Débutée à 5h30 à Briançon, cette journée s’est achevée 14 heures plus tard. C’est à la fois long et cours en même temps… Enchaînant les ascension des 3 grands cols au programme sous un ciel bleu azur et un généreux soleil, les décors de cartes postales se sont succédés les uns aux autres. En franchissant le col de l’Izoard pour la seconde fois peu après 19 heures, j’ai éprouvé une certaine forme de mélancolie qui se mêlait à la joie intense d’être parvenu à relever ce défi. A cet instant, j’aurai aimé que le temps s’arrête et ne plus avoir à redescendre pour rester indéfiniment dans cet univers montagnard qui, à cette heure de la journée, s’offrait à moi presque exclusivement. Aussi puéril que cela puisse paraître, j’ai souvent à l’esprit l’image de la petite chèvre de monsieur Seguin qui a bercé mon enfance. Comme elle, j’ai toujours eu le regard porté vers les sommets et cette folle envie de franchir cet enclos parfois trop étroit dans lequel on se retrouve enfermé. Prendre de la hauteur, savoir savourer une liberté qui n’a pas de prix et contempler ce petit monde étriqué duquel on s’échappe. Une échappée temporaire qui finit cependant par être rattrapée par la raison. Aussi, après avoir ajusté pour la dernière fois mon coupe vent, je me suis lancé dans la descente en direction de Briançon avide de retrouver ma femme et ma fille. Je laissais alors derrière moi retomber le rideau sur une journée intense débuté aux aurores en compagnie de mon ami Pascal, alias Vieux Bridou, solide et généreux cycliste au long cours avec lequel les kilomètres défilent sans que l’on ne s’en rende compte.
14 heures au sommet
Il est 5h30 lorsque nous nous retrouvons avec Pascal devant la porte de l’hôtel Montbrison à Briançon où nous avons pris nos quartiers pour ce week end prolongé du 14 juillet. Mon ami Jacques, qui effectuera une partie du parcours jusqu’au col de Vars pour saluer la mémoire de ses guides népalais décédés lors du tremblement de terre, s’est pour sa part élancé une bonne heure avant nous.
En ce dimanche matin 12 juillet, l’atmosphère est douce et le jour commence timidement à pointer le bout de son nez. Delphine immortalise notre départ pour cette folle aventure qui nous tend les bras et nous voilà en route pour le col de l’Izoard. Cette première ascension se fait dans une sérénité et un calme absolus. A cette heure matinale la route nous appartient et au fur et à mesure que nous nous approchons du sommet, le spectacle magique des premiers rayons du soleil colorant en orange les cimes du Queyras s’offre à nous. L’Izoard est franchi sans encombre avec une bonne demie-heure d’avance sur la feuille de route que j’avais établie.
Nous plongeons sur Arvieux après avoir traversé la Casse Déserte, haut lieu du cyclisme, et à partir de Brunissard, nous nous laissons griser par la vitesse.
Place ensuite à la vallée du Guil et à son eau turquoise si caractéristique. Nous nous relayons efficacement jusqu’à l’entrée de Guillestre où nous retrouvons David, venu en voisin de Fressinieres pour faire quelques kilomètres en notre compagnie.
Très rapidement, les premières pentes du col de Vars se dressent face à nous. La première partie est plutôt roulante et ce n’est qu’à partir du village de Sainte Marie que l’on trouve les plus forts pourcentages. Au sommet nous retrouvons Jacques qui basculera avec nous dans la vallée de l’Ubaye avant de faire demi-tour pour rentrer à Briançon comme il l’avait prévu.
En retrouvant les routes du Défi des Fondus de l’Ubaye, j’ai le sentiment d’être un peu chez moi tellement j’éprouve pour cette vallée de l’Ubaye une attirance qui dépasse le seul attrait paysager.
Profitant d’un vent favorable nous roulons sur un bon tempo. La fontaine de la Condamine nous permet de refaire le plein de nos bidons alors que nous ne sommes désormais plus qu’à quelques kilomètres du pied de la Bonette, point d’orgue du parcours dont il va falloir enchaîner l’ascension des 2 versants sans aucune transition.
Chacun adopte son rythme de croisière et nous voilà engagé dans cette longue ascension de 23 km qui va nous conduire jusqu’à 2802 m d’altitude. Au fur et à mesure que l’on s’élève, la vallée de l’Ubaye révèle toute sa splendeur. Les sommets qui dominent Barcelonnette se détachent dans un ciel bleu particulièrement limpide.
A 10 kilomètres du sommet, j’éprouve une vive émotion en apercevant le drapeau du Népal que Roger, coordinateur de l’opération « Solidarité Ubaye Népal » a planté au bord de la route. Ce défi que je réalise pour venir en aide aux népalais prend toute sa signification. J’en ai la chair de poule et à défaut de me donner des ailes, ce drapeau qui flotte au vent, me procure une bonne dose d’énergie. Les kilomètres défilent et le sommet de la Bonette se rapproche dans un décor majestueux dont je ne me lasserai jamais.
Après être venu à bout des dernières rampes qui conduisent sur le toit de l’Ubaye, nous prenons un peu de cours notre comité d’accueil en raison de l’avance que nous avons sur notre feuille de route ! Nous prenons le temps d’immortaliser ce grand moment en posant devant la banderole spécialement réalisée pour l’occasion et nous plongeons dans la vallée de la Tinée suivi par Roger qui nous accompagne afin de pouvoir faire des photos lors de notre ascension du versant sud de la Bonette.
La présence des motos et des voitures s’est intensifiée et nous devons redoubler de vigilance. Au fur et à mesure que nous approchons de St Étienne de Tinée, la chaleur devient de plus en plus forte.
Arrivée à St Étienne de Tinée, nous franchissons le pont qui enjambe la Tinée, faisons le tour du rond point et nous voilà reparti dans l’autre sens pour la seconde ascension de la Bonette, non savoir pris soin de refaire le plein de nos bidons.
Je n’ai pas souvent eu l’occasion de grimper ce versant mais j’en garde un très bon souvenir. La pente y est très régulière et les pourcentages sont moins marqués que sur le versant ubayen.
Pour notre second passage au sommet nous nous attarderons moins qu’au premier. Nous prenons néanmoins le temps de remercier chaleureusement tous ceux qui nous ont patiemment attendus et nous voilà désormais engagés sur la route du retour. Alors que la température a sensiblement augmenté, Pascal va connaître ses premiers soucis mécaniques. En effet, la chaleur conjuguée à l’échauffement de la jante lors des freinages entraînent le décollement de ses boyaux, l’obligeant à s’arrêter régulièrement pour les remettre en place. Comble de malchance, voilà qu’une crevaison l’oblige à un nouvel arrêt forcé entre Jausiers et la Condamine Châtelard.
Bien aidé par un vent qui souffle favorablement jusqu’à Saint Paul en Ubaye, nous atteignons le pied du col de Vars sans avoir à fournir trop d’effort. Le changement va toutefois être radical dès que l’on s’engage dans les 10 derniers kilomètres. Le vent est en effet devenu totalement défavorable. Nous buttons alors sur un véritable mur qui nous oblige à piocher au plus profond de nous pour trouver l’énergie nécessaire nous permettant de passer ce mauvais moment. Voilà sans doute le passage le plus délicat que nous aurons à affronter.
Nous atteignons le col de Vars sans être cependant trop marqués par cette débauche d’énergie. Roger a tenu à nous y accompagner et nous le saluons chaleureusement avant de poursuivre notre route en direction de Guillestre.
La fin n’est plus très loin. Tout au plus une cinquantaine de kilomètres à parcourir avec néanmoins l’ascension du col de l’Izoard en guise d’ultime plat de résistance. Hélas, Pascal n’aura pas le plaisir de franchir cette dernière difficulté suite au bris de son dérailleur arrière alors que nous nous engageons dans la remontée de la vallée du Guil. Contraint de mettre définitivement pied à terre et d’appeler son épouse pour se faire ramener à Briançon, il me laisse donc partir à regret. Nous aurions aimé un tout autre scénario pour finir une si belle aventure.
Je reprends donc ma route en solitaire et retrouve un vent favorable dans vallée du Guil qui me permet de progresser sur un bon tempo. Les sensations sont bonnes malgré les kilomètres et des difficultés déjà franchis.
Jusqu’à présent, l’Axxome que Origine Cycles a mis à ma disposition pour l’occasion est un allier précieux. Particulièrement réactif dès lors qu’il faut relancer l’allure, il sait se montrer confortable, filtrant particulièrement bien les imperfections de la chaussée. Combiné aux roues Mavic R-SYS 2016, voilà une monture idéale pour accumuler les kilomètres et les ascensions.
Dans quelques kilomètres, les premières pentes de l’Izoard vont se présenter à moi. Je suis à la fois heureux de savoir qu’il s’agit de la dernière difficultés mais déjà pointe une certaine forme de nostalgie à l’idée de savoir que le terme de cette merveilleuse journée approche.
Lorsque je m’engage sur la route d’Arvieux qui marque le pied de l’Izoard il me reste 14 km d’ascension. J’avoue que je redoute un peu ce col car je garde notamment un très mauvais souvenir de la longue portion entre Arvieux et Brunissard. Finalement à ma grande surprise, cela se passe sans encombre. Je traverse pour la seconde fois la Casse Déserte et son décor unique en bénéficiant d’une lumière exceptionnelle à ce moment de la journée. Le sommet n’est alors plus très loin. La délivrance aussi…
Il est un peu plus de 19h lorsque je retrouve le col d’Izoard. Les derniers rayons du soleil commencent à disparaître dernière les crêtes sur lesquelles le matin même nous avons vu apparaître les premières lueurs du jour. La boucle est bouclée. Quelle aventure je viens de vivre ! Quel bonheur et quel plaisir tout au long de ces 14 heures.
A cet instant, l’émotion m’envahit, je respire profondément et pense notamment à tous ceux qui me sont chers, à commencer par ma femme et ma fille qui m’attendent à Briançon. Bien que j’aimerai que le temps s’arrête pour prolonger ce plaisir unique que seuls ceux qui l’ont vécu peuvent ressentir, il me tarde de les retrouver.
Les 23 kilomètres qu’ils me restent à parcourir ne seront qu’une simple formalité et c’est aux alentours de 19h45 que je descends définitivement de mon vélo. Le défi est relevé après 280 km et plus de 9000 m de dénivelé.
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Après une douche réparatrice, c’est autour d’une bonne table que nous nous retrouvons tous pour partager nos impressions après cette folle aventure.
Il reste désormais encore jusqu’à la fin août pour effectuer un don en faveur de l’association Himalayayatra pour laquelle j’ai réalisé ce défi dans le but de collecter au minimum 1 € par tranche de 10 m de dénivelé positif que compte mon parcours.
Merci une fois encore pour votre générosité.
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